Le ROMANO MIO est un Romanée, bateau en aluminium dessiné par Philippe HARLÉ et construit au chantier Pouvreau à Vix près de La Rochelle en 1979. Philippe HARLE architecte naval français né en 1931 et décédé en 1991 a dessiné en 30 ans, à partir des années 1960, près de deux cent vingt types de bateaux différents. Outre leurs lignes qui possèdent un certain air de famille, tous ces bateaux ont en commun de porter un nom fleurant bon le vignoble ou les breuvages forts, très appréciés des marins. Sont particulièrement connus le Muscadet, le Sangria, mais le Cognac, l’Armagnac, le Juliénas... A une époque où l'aluminium est encore peu employé pour la plaisance, le Romanée est mis en chantier chez Pouvreau. Ce croiseur rapide naît en 1972 de l'amitié complice entre l'architecte et deux anciens des Glénans, Hervé Queviger et Henri Lequesne, pour qui il avait déjà dessiné le Coquelicot. Après sept ans de bourlingues et de nombreuses régates en Manche à bord de ce voilier baptisé Sauvagine, les deux compères recherchaient un bateau plus grand, plus rapide mais confortable. C'est ainsi que Philippe leur dessine un croiseur de 10,20 mètres, avec des formes rondes et frégatées, doté d'une étrave élancée et d'un arrière à voûte aux formes presque plates. Les propriétaires de ce premier Romanée lui feront parcourir plus de 30 000 milles, tant en croisière qu'en course. A peine sorti du chantier, il se classe premier de la classe IOR dans la Cowes-Dinard et troisième de la Morgan Cup. Un palmarès éloquent qui suscite trente commandes dès la première année, et la série comptera au total trois cents unités. Contrairement au St Sébastien, Romanée basé à St Malo et continuant à briller en régate, le ROMANO MIO est équipé « croisière » option « baroudeur ». Muni d’un portique arrière support d’une éolienne et de panneau solaire, il mesure 11 mètres de long pour 3,52 de large, 1,85m de tirant d’eau et un poids lège de 5 tonnes. Notre Romanée a été refait à neuf au printemps 2017, au chantier Filumena d'Arzal (56)
Nous avons quitté Locmiquelic au début du mois de Juillet 2017 : traversée du golf de Gascogne, cabotage le long des côtes de Galice et du Portugal, jusqu’à Lisbonne, traversée vers Madère puis les Canaries, où nous avons laissé Romano Mio, fin août, sur l’île de Lanzarote, à Arrecife. Nous irons le retrouver au début 2018 pour lui faire traverser l’Atlantique, jusqu’en Martinique. Rendez-vous début Janvier pour poursuivre l’aventure...
Vingt-trois décembre 2018 ...
Il est 17 heures, heure locale et TU, atterrissage à Lanzarote ; il fait environ 25°et un vent d'est à décorner les bœufs souffle sur les Canaries. En éclaireur, Jean Michel est venu retrouver Romano Mio qu'il avait été le dernier à quitter à la fin du mois d'aout 2017. Catherine, Pierre et Claire sont là aussi pour fêter Noël en famille et accompagner Jean Michel jusqu'à son grand départ pour la Transatlantique. C'est avec un certain soulagement qu'ils retrouvent Romano Mio en parfait état, au ponton de la marina d'Arrecife. Seule une poussière de sable orange, venue du Sahara, a recouvert le pont et pénétré à l'intérieur du bateau jusque dans les moindres interstices. Un grand ménage s'impose ! La famille Le Laouénan s'y colle.
Les jours suivants s'écoulent alors entre préparation du bateau, avitaillement du bord pour la grande traversée, visites de l'île ... Yann et Didier, restés en France pour fêter la fin de l'année, rejoindront le bord aux premiers jours de l'année 2018.
Deux janvier 2018. Petit matin frisquet. Gare de Laval. Yann et Didier sont déposés par Jeannique, la femme de ce dernier, avec armes et bagages et cela n’est pas peu dire. Indéniablement ça sent le départ, et le grand départ… Surtout pour Yann qui part pour neuf mois. Interrompre un rythme de vie, sensation de franchir une parenthèse, de s’affranchir du carcan certes envahissant mais très sécurisant de la vie quotidienne et professionnelle, et rentrer dans une expérience initiatique qui replie le temps n’est pas si simple. Mais il faut savoir vivre ses rêves… Et c’est là que tout commence, sur le quai de la gare, puis Roissy et le décollage pour Arrecife à Lanzarote où nous attend Jean Michel à bord du Romano Mio. Il nous a devancé puisqu’il a passé les fêtes de fin d’année à bord avec sa famille.
En effet, l’été 2017 avait permis à l’équipe Romano-Mio de descendre le bateau de Locmiquelic aux Canaries, via la Galice en Espagne, le Portugal et Lisbonne, puis l’archipel de Madère et enfin les Canaries. Déjà un bon bout de chemin, mais par étapes. L’objectif était de positionner le bateau à proximité de la route maritime que constitue l’alizé, vent tangentiel à l’équateur qui se nourrit durant l’hiver de l’hémisphère nord de l’énergie de l’anticyclone des Açores, et surtout d’éviter une traversée hivernale du Golfe de Gascogne. Cette fin d’année a été particulièrement marquée par les tempêtes Carmen et Eleanor, et il n’est pas de bon ton, comme disent les marins « d’aller s’y faire branler ».
Nous quittons donc le froid, la pluie et le vent de Bretagne, avec une pensée allégorique pour Georges Brassens qui, en prénommant les tempêtes à sa façon aurait pu écrire « Quand je pense à Fernande, il vente, il vente… Quand j’pense à Félicie, il vente aussi… Quand j’pense à Léonor, mon dieu il vente encore… Mais quand j’pense à Lulu, là il ne vente plus… La météo papa ça n’se commande pas ! ». Le climat aux Canaries est très doux et agréable : 25° à la descente d’avion, et la réputation de l’archipel dénommé « de l’éternel printemps » n’est pas usurpée.
Jean Michel attend ses deux acolytes à bord de Romano Mio, alors que sa femme Catherine vient de rentrer en France quelques heures auparavant.
Nous avons sollicité, depuis plus de trois mois, une entreprise locale pour la réalisation d’un bimini. Mais qu’est-ce qu’un bimini ? Ce n’est pas, comme cela a pu vous traverser l’esprit, une sorte de maillot de bain très échancré sur les hanches, extrêmement moulant et divisé en deux parties égales solidarisée par un velcro, et qui permet alors de l’ôter en une fraction de seconde, et qui pourrait faire partie de « l’uniforme réglementaire » à bord du Romano Mio. Non point. Il s’agit d’un dispositif articulé sur des arceaux permettant de faire de l’ombre dans le cockpit, sorte de parasol « à poste ». En effet, le coefficient d’UV sous les latitudes tropicales avoisine le maximum soit le niveau 12 à 14, alors qu’au beau milieu du mois de juillet en Bretagne et par grand soleil, nous atteignons à peine le niveau 7. S’y ajoute la réverbération sur l’eau, et l’effet de l’écume de couleur blanche, identique à la neige à la montagne avec un coefficient de réverbération de l’ordre de 80% alors que l’eau ne réverbère que 25%. D’où la nécessité de se protéger pour « pas cwamer » !!!
Donc, compte tenu de multiples facteurs locaux, y compris la « Fiesta de los Reyes », fête de l’Epiphanie, scrupuleusement suivie par les Canariens, il nous faut attendre lundi pour que le matériel soit monté. Après ce délai qui nous met en retard sur notre « timing », il va falloir appuyer sur le champignon, en priant Eole pour qu’il nous accorde ses faveurs. En effet, la journée du mardi 9 janvier promet d’être « pétoleuse » et il nous faudra descendre un peu sud pour toucher du vent et passer à distance du cône de déventement de Gran Canaria dont le sommet culmine à près de 2 000 mètres, et surtout de l’île de Tenerife dont le sommet (Volcan du Teide) atteint 3 718 mètres !
Profitons-en pour saluer notre équipe à terre, la « Romano Team », complémentaire dans l’interdisciplinarité et les compétences : Jean-Pierre HAIRAULT à l’analyse météo et au routage, assisté de Véronique ALBARET, météorologue ; Patrick LE DANTEC, l’homme de l’ombre, préparateur de matériel et soutien psychologique ; Pierre LE LAOUENAN, chargé de communication et bloguiste distingué ; sans oublier nos compagnes respectives et en particulier Catherine pour son implication directe dans la rénovation intérieure du bateau.
Avitaillement terminé, équipage au complet..
Le grand départ.
Premier soir de traversée, alors que nous longeons l'Île de Fuerteventura qui, nimbée de nuages, se laisse gagner par le soir qui tombe. Les lumières de la côte s'allument les unes après les autres, un feu rouge, l'entrée d'un port... Le vent se lève enfin après une période très calme, et nous filons au travers sous code D à plus de six nœuds.
Nous souhaitons que cet instant de « glisse » se prolonge encore et encore... et pourquoi pas rêver d'une traversée complète sous cette allure ?
Première navigation de nuit de la traversée, premier quart et Romano Mio avance cap au sud. Le bord s'est régalé d'un bon petit repas de côtes de porc assorties de pommes de terre "krign" comme on dit dans le Trégor ! La mer est belle, le bateau file, température douce mais il faut être couvert, et les feux de la partie habitée de Fuerteventura s'estompent dans le lointain, comme digérés par la nuit. Vent de trois-quarts arrière (allure de grand-largue) et c'est le pilote qui barre ! Il ne reste plus qu'à surveiller, contempler, ressentir... et s'imprégner de cette philosophie du voyage propre à la navigation hauturière à la voile.
Contrairement aux voyages contemporains où en quelques heures d'avion, vous êtes dans un autre hémisphère, sous d'autres latitudes, le voyage à la voile permet d'apprécier la distance, de laisser le temps s'étirer, les jours se décaler très progressivement. Perception temporelle, mais aussi spatiale et cosmique du fait de la présence de cette myriade d'étoiles au-dessus de soi. Le sentiment d'appartenir à la Terre tout en étant relié à l'univers. Mais aussi le fait d'être au cœur d'une nature sauvage et potentiellement hostile nous contraint à beaucoup d'humilité. Nous ne sommes qu'un point minuscule sur l'océan, ballotté par les flots...
En cette deuxième nuit sous le firmament, alors que l'étrave de Romano Mio creuse inlassablement son sillon dans l'eau noire, après moult vérifications de notre position, en plein sud de Gran Canaria, la pensée du Commandant CARRE, grand marin, homme de mer et aussi grand pêcheur devant l'éternel, de langoustes, homards, coquilles Saint Jacques et autres poissons, tourne en boucle dans nos têtes : "Eh les mecs, c'est tout droit !" Philippe, tu nous accompagnes et on t'aime ! Au petit matin, nous avons pêché notre première bonite !
21h15 en ce 12 janvier. Nuit noire. Ciel étoilé. Quelques nuages épars que l'on devine. Yann quitte son quart et Didier commence. Sortir de sa couchette, s'habiller avec un vêtement chaud, enfiler son harnais, accrocher sa frontale et s'imprégner de l'ambiance. Les quarts de nuit, c'est une autre atmosphère, un nouveau monde. On ne voit rien sinon ce qui est éclairé par la faible lueur du compas ou le halo du répétiteur de pilote automatique. On écoute, on devine, on ressent…
Ce soir, les conditions sont idéales : vent de travers 10 à 12 nœuds et le bateau glisse à plus de 7 nœuds… L'éolienne tourne et recharge les batteries. Le bruit de ses pales est agréable car il veut dire énergie, lumière, appareils de navigation, frigo, en un mot, confort ! Une lumière pointe sur l'horizon : bateau ? Mais l'écran de l'AIS est vide. Cela pourrait être un voilier, bien que nous n'ayons fait aucune rencontre de ce type jusqu'alors... Ou une étoile qui monte sur l'horizon en se teintant de rouge... Une envie de dire à la nature : "Ne touchez plus à rien ! L'équilibre est atteint, tout est parfait..." Nous entendra-t-elle ?
Le 13 janvier au matin, le vent repart vers l’est et nous oblige à naviguer vent arrière, les voiles en croix comme aurait dit Johnny, génois tangonné c’est plus tranquille. Nous sommes partis pour une glissade infinie, sur une mer à peine formée et par un soleil qui est de plus en plus présent. Le pied, quoi...
Le 13 janvier, en journée ...
Avez-vous déjà observé de près une noix de cajou ?
De loin, elles se ressemblent toutes. Mais approchez-vous, prenez une loupe et vous constaterez qu’il y en a au moins deux types. Elles ont toutes deux renflements arrondis et harmonieux séparés par un sillon médian à l’une de leurs extrémités, mais elles se différencient par une petite protubérance en forme de cône incurvé pour les unes et par une petite ouverture délicatement ronde pour les autres. En d’autres termes, il semblerait que la noix de cajou soit sexuée. Cela reste à vérifier, mais il y aurait des noix de cajou mâles et des noix de cajou femelles. Si ce fait est avéré, les trois scientifiques du bord de Romano Mio ont déjà établi que, dans une boîte standard de noix de cajou, il y environ dix fois plus de femelles que de mâles. Ils ont aussi observé une relation intime (voir photo) entre deux noix de cajou de sexes différents, le mâle susurrant à l’oreille de sa partenaire ce magnifique poème de Georges Philippe Taladiard (Jean-Jacques Denis pour les amis), poète approximatif des Côtes d’Armor, breton donc, passionné de maçonnerie et de mathématiques et de bien d’autres choses encore. Ce poème s’intitule « Lorsque je te pénètre » et nous ne pouvons résister à l’envie de vous le transmettre.
Lorsque je te pénètre
Quand je rentre dans toi
Quand je dois me soumettre
En esclave à ta loi
Lorsque mon corps meurtri
Par des tâches futiles
En toi se réfugie
Quand enfin je t’enfile
Je demande à la nuit
D’ouvrir en grand ses bras
Ah que serait ma vie
Sans toi mon pyjama
Et tout le bord de Romano Mio en rit encore. Un grand salut, Jean-Jacques, du milieu de l’Atlantique.
PS : L’étude sur les noix de cajou se poursuit. Elle est prospective, randomisée, en double aveugle. Un échantillon représentatif de la population des noix de cajou est mis en incubation sur un milieu de culture spécifique, enrichi en phéromones de poisson. Nous ne manquerons pas de vous en donner les résultats.
Le 14 janvier : c'est dimanche !
"Yann, c'est à toi !" dit Jean-Michel qui termine son quart et passe le relai. Il est six heures. Yann a mal dormi, balloté par une mer qui s'est creusée et le vent qui a fraîchi toute la nuit. Le bruit de l'eau sur la coque permet d'estimer la vitesse, et là, Romano Mio allonge la foulée. Le vent réel atteint souvent les 25 nœuds (Force 6) et nous sommes toujours plein vent arrière. Eh non ! L'alizé n'est pas la brise câline qui pousse vers les tropiques, dans une myriade de poissons volant et en jouant du ukulélé sur le pont ! C'est du tonique ! Romano chevauche les vagues et la vitesse moyenne se situe entre 7 et 8 nœuds, agrémentée de quelques "surf" sur les vagues. Peu à peu, la nuit se dilue dans le jour naissant et à l'est, l'horizon se teinte de couleurs rose-orangé par quelques trouées entre de gros nuages. Nous ne verrons pas la "boule" émerger du bout de la terre aujourd'hui. Mais un nouveau jour est toujours bienvenu, surtout au large.
Today is another day !
Le 15 janvier, 2 heures du matin : "J'étais tranquille, j'étais pénard…" disait Renaud. Un grain a surgi dans le noir avec pluie et vent à plus de 30 nœuds. Romano Mio bondit sur les vagues dépassant les 8,5 nœuds de vitesse et plus dans les surfs. On entend le vent siffler dans les haubans et le bruit de l'eau sur la coque… Il faut réduire ! Qui veut voyager loin ménage sa monture ! On n'est pas en course ! Quelques tours d'enrouleur dans le génois et les choses se calment… Il est fort probable que nous ayons à subir d'autres grains de la sorte dans les heures à venir.
Le 15 janvier, 9h30 du matin : le jour est désormais bien levé avec un ciel très nuageux qui laisse passer ici et là quelques rayons de soleil donnant à la mer des reflets d'argent… Mais où sont les golfes clairs ? A plusieurs centaines de milles devant l'étrave ! Le vent est stabilisé à 25 nœuds et la mer bien creusée. Romano Mio tient la mer et encaisse, vague après vague… L'équipage aussi ! Et nous savons que nous en avons pour au moins 24 heures. Et vous, qui passez sans nous voir, à 11 000 mètres au-dessus de nos têtes et 900 km/h, ayez une pensée pour les laboureurs de la mer qui, au contact de la rudesse marine en ce qu'elle a de sublime, font leur route mille après mille.
Nous sommes sur les traces d’Hervé Le Merrer, de Trébeurden, parti seul le 28 décembre sur une coque de noix et qui traverse l'Atlantique à la godille ! Bien qu'il ait 400 milles d'avance sur nous, il serait chouette que nous établissions un contact visuel. Retrouver un bateau au ras de l'eau dans une mer démontée et immensément vide tient assurément de l'exploit, mais l'équipe à terre, via son compte Facebook, nous communique journellement sa position.
Nouvelle activité à bord de Romano Mio… Devinez quoi ? Concours de toilettes !!! Non pas l'organisation d'un défilé sur le pont en tenue légère et affriolante... Non ! Sur le pont on n'y va guère actuellement sinon harnaché, marchant à quatre pattes vu l'état de la mer, et ça n'a rien à voir avec un défilé de shipendale. Et le public, cher public, est totalement absent !
De quoi s'agit-il ? Eh bien tout simplement de se laver corps entier shampooing compris avec un minimum d'eau douce. Nous sommes désolés, vous n'aurez pas le palmarès mais vous saurez que le vainqueur actuel utilise un demi-litre d'eau. Nous vous proposons, chers (chères) blogueurs (euses) de participer à cette petite compétition qui aura valeur, entre autres qualités bien sûr, de test pour une virée à bord de Romano Mio ! Et comme aurait pu dire le regretté Jean-Christophe qui par son nom en valait deux : "A vos savons ! À vos serviettes !" [A prononcer avec un zeveu zur la langue, NDLR]
Le 17 janvier : hier c'était l'anniversaire de ma fille et Ô miracle de la technologie iridium, nous avons réussi à nous contacter. Encore une fois bon anniversaire Adèle !
Fatigué par une mauvaise nuit sans sommeil, du fait probablement du roulis permanent du bateau au vent arrière. On est constamment trimballé d'un côté et de l'autre à chaque vague, et cette nuit, ça l'a pas fait ! Alors, c'est dur de prendre son quart à six heures !
Pour casser l'ambiance pâté (je tairai le nom de la marque !), le remède : la musique ! Les morceaux se succèdent dans le casque en mode aléatoire… Le charme subtil de Shirley Horn dans "Something Happens to Me", Toots Thielemans dans "For My Lady", Chet Baker, et puis le Bagad Brieg en live, de la musique bretonne à remettre debout un cimetière ! Puis Brigitte Bardot cachée dans les rochers "Nue Au Soleil", Buena Vista Social Club et l'entrain de la musique cubaine, un p'tit tour au Brésil avec Marcio Faraco ou Eliane Elias, et puis la musique du film "The Full Monty" et son fameux "You Can Leave Your Hat On" par Tom Jones…
Yann
Le 17 janvier, au petit matin : Alors que les premières lueurs de l'aube permettent peu à peu de discerner la mer autour du bateau, on renvoie un peu de toile. Faut pas traîner ! D'autant que la mer s'est un peu calmée. Il n'y a plus de crêtes d'écume au sommet des vagues et le ciel qui s'éclaircit peu à peu, alors que s'évanouissent les étoiles, est moins lourd avec de belles trouées de lumière. Température clémente au petit matin aux alentours de 20°. Ça sent le sud et il nous faudra bientôt infléchir la route plus franchement dans cette direction. Sinon, au grand large, c'est toujours le désert : pas un bateau, et à notre surprise, pas de cétacé non plus… Mais une nouvelle daurade coryphène vient de mordre et fait du ski nautique derrière le bateau lancé à plus de sept nœuds. C'est décidé, à moins d'avoir à manger du poisson matin midi et soir, il faut arrêter la pêche ! Et l’essentiel, c'est de la garder !
Depuis une vingtaine d’années, les nouvelles technologies ont révolutionné la navigation de plaisance, dans le domaine de la sécurité (météo, communication...) et pour déterminer précisément la position du bateau sur l’eau. Voici une rapide description des instruments high tech que nous avons à bord de Romano Mio.
Des GPS tout d’abord, dont tout le monde connaît l’utilité. Une particularité, nous avons connecté un de ces GPS à notre ordinateur de bord qui, lui, est équipé des cartes marines du monde entier. Ainsi, la position de Romano Mio est reportée sur ces cartes à chaque instant de la navigation. Cette position est très précise puisque l’erreur commise est inférieure à 10m.
Un AIS, ensuite, qui est une espèce de radar et qui nous signale la présence de tous les bateaux dans un rayon de 32 milles nautiques. Cet AIS nous signale non seulement la présence d’un bateau mais aussi son cap, sa vitesse et plus encore parfois. Cet instrument est très utile la nuit et particulièrement lorsque le temps est bouché.
Un téléphone satellitaire (Iridium) qui nous permet à toute heure de la journée et de la nuit, même au grand large, de rester en contact avec la terre : envoyer des mails, en recevoir, transmettre des photos, télécharger des fichiers météo et même de vous appeler au téléphone. Vous pourriez aussi nous appeler mais je vous le déconseille car vous devrez casser votre tirelire. Si vous voulez nous adresser des mails, voici nos adresses : jmll@myiridium.net, yannou@myiridium.net, didou@myiridium.net
Enfin, il y a la balise Argos que tout le monde connaît aussi et que nous espérons n’avoir jamais à utiliser. Il y a bien sûr une VHF, une radio BLU, un pilote automatique mais leurs technologies sont déjà plus anciennes.
Vous voyez donc que l’époque où nous avions l’oreille collée au poste de radio à heure fixe pour capter le bulletin météo est révolue. Tout comme l’époque où nous utilisions à tour de bras le compas de relèvement, la règle Cras, la gonio. C’est pourtant comme ça que nous, les anciens, avons appris à naviguer. Je garde un souvenir ému du temps où mon compas de relèvement visait tous les points remarquables à la côte, où la ferrite de la gonio tournoyait dans le cockpit à la recherche d’un signal morse et où je multipliais les calculs de droite de hauteur, à l’aide du sextant, d’une montre et des éphémérides (pour ceux qui ne connaissent pas, une droite de hauteur représente localement un cercle de la terre constitué des points desquels, à une heure donnée, le soleil est vu à la même hauteur sur l’horizon). Je n’ai pu résister à l’envie de m’y remettre. Le résultat n’est pas mauvais (un intercept de seulement 4,7 milles nautiques) et ça me rassure…
Jean Michel
Jeudi 18 janvier : une heure et demie du matin, nuit noire et ciel limpide constellé de milliards d'étoiles. Allongé dans le cockpit, je contemple cette voûte céleste où les feux de route en tête de mât dessinent en permanence des arabesques, sortes de lettres rectilignes ou courbées, elliptiques ou anguleuses qui inscrivent sur le firmament ce langage de la mer et des vagues. Comme si ce fanal blanc, rouge et vert en haut du mât était la plume au bout du crayon et le bateau, mu par l'océan, devenait les doigts et la main qui dirigent le crayon, écrivant à chaque vague sa poésie marine sur ce ciel constellé et noir. Observer, ressentir, s'imprégner de la nuit, écouter le grondement de la coque à chaque vague, comme une respiration, un souffle de l'Atlantique... Et, prenant une inspiration profonde, je laisse une partie de mon esprit s'envoler vers les étoiles et observer de tout là-haut ce minuscule point lumineux oscillant à la surface de l'eau et qui dessine ses arabesques…
Il est peu d'endroits dans le monde où, à l'écart de toute présence humaine, on peut ressentir cette sensation d'isolement au sein d'une immensité où règne la nature, rude et potentiellement hostile. Qu'ils soient faits de sable ou de roches, d'eau, de neige ou de glace, ces déserts qui par ailleurs grouillent de vie, nous confrontent à notre fragilité et notre piètre condition humaine. Qu'on les traverse à pieds, à ski, en bateau, ou en dromadaire... ils imposent un énorme effort d'adaptation et une immense humilité. Au-delà de la performance physique ou technique, ne s'agit-il pas tout simplement d'une rencontre avec soi-même ?
Allongé sur le banc du cockpit, j'entends une voix qui m'interpelle : "S'il vous plaît... dessine-moi un mouton !"
Yann
Ces quelques jours sont propices aux exploits ! Exploits en cours de réalisation comme la traversée de l'Atlantique à la godille par Hervé Le Merrer dont on sait qu'il a dû plonger sous son bateau pour décrocher coquillages et crustacés qui s'y étaient arrimés sous le soleil exactement. Mais aussi Xavier Fabre qui traverse à la rame "pour Alzheimer" et non pas "avec Alzheimer" car sachant qu'il y a déjà mille raisons de se perdre dans cette immensité, il ne faut quand même pas en rajouter. Nos routes sont malheureusement trop disjointes pour que notre espoir de "contact" puisse se concrétiser. Ils sont environ 150 milles plus au sud, mais Soaze est à la croisée des chemins entre nous sur le plan de la communication. Merci les satellites !
Non ! Un exploit fut finalisé à bord de Romano Mio : Didier décida, alors que nous marchions à plus de sept nœuds avec des surfs dans une houle de trois mètres, de faire des crêpes ! Oui, on dit bien, faire des crêpes et non pas réchauffer des peaux de chamois achetée dans un quelconque supermarché. Il faut savoir que dans les conditions de navigation au vent arrière, le bateau roule et de façon parfois violente, et tout ce qui n'est pas correctement arrimé à l'intérieur à une tendance certaine à s'envoler et atterrir on ne sait où dans des conditions parfois explosives. Le reste de l'équipage a donc perçu cette initiative avec un zeste de circonspection teintée de méfiance quant aux chances de sa réussite. Déjà le chef-crêpier se met à pester contre la farine qui ne lui convient pas car complète. Puis il confond le sel avec le poivre : ça commençait bien ! Voulant donner du goût à sa préparation, il brandit une fiole de Vieux rhum offerte par le Commandant Carré, et il a fallu toute la persuasion du reste de l'équipage pour préserver ce nectar, ce qui nous a valu une petite séance de dégustation… Quant à la fabrication des crêpes : nous sommes restés bouche bée mais pas sur notre faim ! Pas une goutte de versée, pas le "sclabé" escompté et nous nous sommes régalés.
La journée du vendredi 19 janvier...
Ce matin, Jean Michel s'est mis au vert...
Ce midi à l'orange...
Et ce soir, il est passé au rouge !
Pendant ce temps, Didier débite la pêche.
Aux heures où se couchait le soleil, il y avait en l'air des espèces de voûtes formées par des successions de tout petits nuages d’or ; leurs perspectives fuyantes s'en allaient, s'en allaient en diminuant, se perdre dans les lointains du vide ; on les suivait jusqu'au vertige ; c'étaient comme les nefs de temples apocalyptiques n'ayant pas de fin. Et tout était si pur qu'il fallait l'horizon de la mer pour arrêter la vue de ces profondeurs du ciel ; les derniers petits nuages d'or venaient tangenter la ligne des eaux et semblaient dans l'éloignement, aussi minces que des hachures. La mer prenait là dessous une certaine nuance bleu paon avec des reflets de métal chaud. Ensuite tout cela s'éteignait très vite dans des limpidités profondes, dans des couleurs d'ombre auxquelles on ne savait plus donner de nom.
Et les nuits qui venaient après, les nuits mêmes étaient lumineuses. Quand tout s'était endormi dans les humidités lourdes, dans les silences morts, les étoiles apparaissaient en haut plus éclatantes que dans aucune région du monde.
Pierre Loti (Pêcheur d'Islande)
Alors que nous franchissons plaines abyssales et monts sous-marins, comment imaginer toute cette vie qui grouille sous la quille et autour du bateau. Qu’en percevons nous ? À part les bonites et dorades coryphènes pêchées et quelques poissons volants aperçus les jours de grand vent, point de cétacés grands ou petits. De temps à autre, un oiseau fait plusieurs tours autour du bateau. Nous avons, non sans difficulté, réussi à l’identifier. Il s’agit soit d’un Puffin des anglais ou plutôt un Puffin de Macaronésie. Vous savez, c’est de là que vient la Macarena !
Nous avons repéré les feux d’un voilier cette nuit sur notre bâbord et nous faisons semble-t-il routes parallèles.
Mais le voyage n’est pas terminé et nous continuons d’observer l’océan !
Petit exercice de géométrie pour les passionnés de trigonométrie sphérique.
Le point estimé de Romano Mio, le samedi 20 janvier à 14h26’04’’, est le suivant :
- latitude : 20 degrés Nord
- longitude : 37 degrés Ouest
A cette heure précise, le soleil est relevé sur l’horizon à une hauteur de 49 degrés et 22 minutes.
Romano Mio est-il en réalité au nord ou au sud de la latitude estimée ?
Données pour résoudre le problème : correction de la mesure prise au sextant : +10’ ; AHVO : 177 degrés et 17 minutes ; variation AHVO : 14,997 degrés ; déclinaison : 20 degré et 10,5 minutes ; variation de la déclinaison : -0,54.
Le premier ou la première d’entre vous qui apportera la bonne réponse JUSTIFIÉE sera récompensé(e) par une balade d’une journée sur Romano Mio entre la Martinique et Sainte Lucie. Le billet d’avion, pour venir rejoindre le bord, ne pourra malheureusement pas être pris en charge par l’organisation du concours.
Le sud ! Le sud ! Ambiance chaude à bord de Romano Mio au sens propre comme au figuré ! Alors que les enceintes crachent "Sous le soleil exactement" de Gainsbourg, ce même soleil commence à nous tanner la peau, d'autant que nous sommes revenus au vent arrière, ce qui a pour effet d'annuler notre vent, puisqu'on va dans la même direction... D'où la sensation de chaleur et il faut se protéger : crème et ombre ! Merci le bimini ! Bon vent et ça glisse... sur les vagues... et puis "Sea, sex and sun"... Il manque décidément un de ces trois éléments à bord, et comme dirait Brassens, nous n'avons pas "viré de bord" et marchons toujours à la voile !
Dimanche 21 janvier après-midi, 17 heures TU. Après un repas de galettes de blé sans blé sans gluten cuisinées avec petits légumes revenus à la poêle, simili-gruyère canarien, jambon cru et un œuf miroir - c'est excellent et ça vous cale un marin ! - les deux tiers de l'équipage se retrouvent profondément endormis, d'où l'expression "fond de cale". Dehors, grand soleil, vent d'est 20 nœuds, et Romano Mio dévale la longue houle à plus de 7 nœuds, tout dessus au vent arrière, génois tangonné. Cherchant un coin d'ombre pour un moment de lecture, je m'installe sur la jupe (sorte de prolongement horizontal du bateau en arrière du tableau) juste au-dessus de l'eau qui défile en dessous, adossé et accoudé aux pare-battages que nous stockons à cet endroit. Ainsi posté au ras de l'eau, la vue est imprenable sur les vagues qui approchent par l'arrière dans un mouvement perpétuel. Dans le creux, avec cette masse d'eau qui s'approche et soulève en douceur la coque, le bruissement du sillage et du safran qui travaille crée cette musique envoûtante de la mer. La ligne de pêche est à l'eau depuis le petit matin - eh oui, on a r'mis ça ! - mais l'appât est tout juste en cours de validation de son quatrième niveau de ski nautique, figures comprises.
C'est donc dans cette douce ambiance marine que je poursuis la lecture du livre de Farley Mowat "Le bateau qui ne voulait pas flotter". L'action se passant sous des latitudes beaucoup plus hautes, à Terre-Neuve, il existe tout de même un point commun avec la Caraïbe, en ce qui concerne la boisson favorite des écumeurs des mers chaudes : le rhum. L'auteur parle des trois principes cardinaux de la dégustation de ce breuvage, je précise, à Terre-Neuve. Toute extrapolation de ces principes comme quoi ils feraient loi à bord de Romano Mio, serait de nature interprétative, fantasmatique, et complètement erronée. Je vous les livre :
Le premier est que, tant qu'une bouteille est sur la table, elle doit être débouchée. Cela "pour laisser entrer l'air dedans et chasser les vapeurs noires".
Le deuxième est qu'une bouteille débouchée ne doit jamais être rebouchée car, selon la croyance, "le contenu se gâterait". Aucune bouteille de rhum ne s'est jamais gâtée à Terre-Neuve, mais aucune n'ayant jamais été rebouchée, il n'y a donc aucun moyen de vérifier l'exactitude de cette croyance.
Le troisième et dernier principe est qu'une bouteille ouverte doit être bue aussi vite que possible "avant que tout le bon ne s'évapore".
L'équipage unanime vous laisse la libre application de ces principes aux breuvages de votre choix, et se dégage de toute responsabilité.
Yann
L’université du temps perdu
Sujet du jour : comment verser du vin dans un verre, à bord ?
Lundi 22 janvier.
Il y a des journées qui commencent mal. C'est comme ça. Trois heures du matin, Jean Michel me réveille pour prendre mon quart, le sien s'étant passé dans les conditions les plus douces, en partie consacré au visionnage de films de cinéma sur l'ordinateur de bord, confortablement calé devant la table à cartes. Sa plus grosse difficulté fut, d'après lui, de réveiller Yann pour le quart suivant. A peine étais-je sur le pont, réalisant que la lune sur laquelle Romano Mio avait mis le cap en début de soirée, avait disparu derrière l'horizon et que la multitude d'étoiles qui ponctuaient le ciel de leurs scintillements s'étaient éteintes, une sensation pesante s'abattit sur mes épaules. Nuit noire, ciel nuageux. Le vent fraîchit et refuse (c'est à dire qu'il vient plus sur l'avant du bateau) obligeant à modifier le cap. Signes annonciateurs d'un grain. Réglages de voiles, de cap, et la pluie fine puis plus cinglante pendant une quinzaine de minutes puis tout s'apaise... et le vent reprend sa force et son cap initial... réglages... etc... Les grains se sont enchaînés les uns après les autres pendant les trois heures de mon quart, et c'est non sans un certain soulagement mêlé de joie que je descends extirper Didier d'un lourd sommeil réparateur et par la même de son duvet. Alors qu'un nouveau grain s'annonce, je remonte dans le cockpit, le temps que Didier se prépare, et très rapidement le ciel a décidé de se vider sur le seul petit voilier croisé dans les parages, en l'occurrence Romano Mio. Pluie à seaux, trombes d'eau, il pleut des cordes en mer*, et je suis rapidement trempé jusqu'aux os, partiellement abrité par le bimini. Il a fallu fermer la descente pour protéger l'intérieur du bateau.
Yann
Trois heures plus tard, à neuf heures, nous décidons d'empanner et de remettre Romano Mio sur la route directe vers la Martinique, cap au 260. Et c'est au cours de cette manœuvre que nous constatons que le point d'amure de la grand-voile (point de la voile fixé à l'intersection du mat et de la bôme) vient de lâcher. Pire ! La pièce qui a lâché solidarise également la bôme au mat, au niveau d'une "articulation" qui en langage de marine est dénommée "vit-de-mulet" en référence aux organes génitaux certainement appropriés de l'animal. Par chance, et c'est notre première histoire de boulon du jour, ce même boulon qui bloque le vit-de-mulet n'est pas tombé à l'eau, bloqué par une main courante, et certainement très complaisante.
Réparation faite, nous nous penchons sur ce qui nous préoccupe depuis plusieurs jours : la décharge de nos batteries. Après avoir en vain traqué une fuite de courant, sondé les fonds, coffres et autres recoins à la recherche d'un fil baladeur et encore vecteur d'électrons, testé les batteries une à une : rien ! Sinon que le moteur dont nous avons eu besoin ce matin a eu du mal à démarrer par défaillance de sa batterie dédiée. Nous décidons de permuter la batterie "moteur" avec sa congénère destinée au guindeau (appareillage permettant de remonter une ancre sans effort). Didier se charge de débrancher et démonter cette batterie dont les cosses sont équipées de boulons. Au moment du remplacement et remontage de la batterie, nous constatons la disparition d'un boulon rendant la batterie inutilisable. Et pas moyen de le remplacer : tout notre stock de boulons, et ce n'est pas peu dire, y est passé. Le pas de vis des boulons de batterie est spécifique. Les recherches furent intenses, méthodiques, précédées d'un interrogatoire méticuleusement policé de Didier. Jean Michel alla même jusqu'à démonter la canalisation d'évacuation du cabinet de toilette, pressentant des velléités "boulonales" à rejoindre clandestinement les profondeurs abyssales. En vain ! Finalement, nous déshabillons Paul pour habiller Jacques, et la batterie fut mise en place.
L'après-midi fut beaucoup plus apaisant, sous un soleil de plus en plus cuisant, et marqué par la visite d'un banc d'une vingtaine de "dauphins communs", dont le ballet aquatique nous a ravis pendant une bonne demi-heure ! Les jambes pendantes à l'avant du bateau et les pieds léchés par la vague d'étrave quand le bateau atteint le creux, avec les dauphins qui virevoltent dans un ensemble parfait et dont on perçoit le souffle à quelques mètres, est un spectacle dont on ne se lasse pas. Pour finir cette histoire de boulon, il fut finalement retrouvé par un membre de l'équipage, au décours d'une séance de toilette, dont nous avons déjà parlé. Ce qui peut vouloir dire que si l'hygiène mène parfois au vice, elle ramène aussi les boulons...
Aujourd’hui, mercredi 23 janvier, nous vous invitons à une visite illustrée du bord de Romano Mio, dans sa plus grande intimité ! Elle commence à l’arrière de son cockpit, large, spacieux, protecteur des lames sournoises qui submergent notre Romanée plus souvent que nous le souhaiterions (photo 1). Dirigeons nous maintenant vers le petit escalier qui descend dans l’habitacle de Romano Mio et découvrons ce magnifique intérieur en pur acajou (nous rappelons que notre bateau a été construit en 1979), offrant un volume à vivre exceptionnel (photo 2).
Entrons dans les détails de ce volume :
Le 26 janvier
Notre créativité a été quelque peu accaparée, ces jours derniers, par nos problèmes d'alimentation électrique. En effet, les batteries à plat nous ont obligé à limiter nos communications au strict nécessaire, de façon à pouvoir utiliser les iPads à la navigation et au positionnement. Donc, ambiance "blitz", éclairage à la frontale, au son du bip-bip du pilote automatique qui affiche avec un grand sourire "batteries faibles" avant de se mettre en rideau ! Donc, nécessité de barrer ! C'est bien normal, direz-vous, de tenir la barre à bord d'un bateau, ou le "barenn-stur" en breton qui a également, pour nos amis linguistes, un autre sens dans la langue de nos anciens ! Certes, mais l'action de barre justifie concentration et attention de tous les instants. Un barreur ne peut donc faire autre chose ! Notre pilote, Aerton, fait donc partie de l’équipage. Spécialiste en barenn-stur, qui est à roue sur Romano Mio, il se débrouille fort bien, et nous lui faisons une confiance absolue. Pendant qu'Aerton barre, nous refaisons le monde dans le carré autour d'une table bien garnie. L'AIS est en veille et de temps en temps, un petit coup d'œil à l'extérieur... Il est d'ailleurs assez étonnant de ne plus ressentir l'état du temps ou de la mer quand on est installé dans la douceur du carré, comme si le cerveau s'était habitué aux mouvements du bateau qui font désormais partie de notre environnement naturel.
Par contre, quand Aerton est en congé ou en arrêt de travail, il faut faire le boulot ! Les esprits chagrins et belliqueux pourront toujours litanier et conjuguer à tous les temps "Aerton c'est naze !" mais nous ne sommes pas de ceux-là.
Par exemple le nuit dernière, l'homme de quart qu'était tranquille, qu'était peinard, accoudé à sa barre (à roue), s'est fait surprendre dans le noir par un grain qui l'était aussi. Se réfugier, s'abriter à l'intérieur, fermer les écoutilles, souquer les artimuses et attendre que ça se passe... Non point ! Il faut res-ter-à-la-barre (à roue) sous un déluge de flotte à faire pâlir une lavandière !
Deux autres membres de l'équipage doivent également être remerciés, puisque c'est grâce à eux que vous lisez ces lignes : l'éolienne et le panneau solaire, qui ont fait tout leur possible pour activer les électrons des batteries...
Après un très copieux "English-brunch" ce midi, nous entrons en réflexion pour la création des tapas du soir... à 600 milles de la Martinique.
Comment se passera la nuit à venir ? Vous le saurez peut-être lors du prochain message du large.
Samedi 27 janvier
La pêche ! L'équipage de Romano Mio a toujours la pêche ! Mais pour ce qui est du poisson, c'est cuit ! En effet, l'océan est parsemé de sargasses, qui s'agglutinent souvent en plaques flottant à la surface de l'eau, d'une taille qui peut dépasser les quatre mètres de diamètre. Quand la ligne de pêche passe au beau milieu des algues ce qui arrive très fréquemment, le leurre ramasse alors une touffe d'algues, ce qui nécessite de remonter la ligne, nettoyer et remettre à l'eau... et ça recommence encore et encore. Les dorades vont pouvoir dormir sur leurs deux branchies !
Le jus ! Nous l'avons encore ! Un peu plus que dans nos batteries, aussi continuons nous à fonctionner sur un mode de restriction des dépenses : pas d'instruments allumés en permanence, éclairage à minima, et retour à la barre !
Cette nuit fut un grand moment de navigation à voile. Alors que nous approchons de la barrière des 400 milles nous séparant de la Martinique, le vent a fraîchi aux alentours de 25 nœuds, et Romano Mio a revêtu sa tenue de danse : grand-voile arisée et génois tangonné réduit. La lune est là, et si le soleil ne la voit pas car elle joue souvent à cache-cache avec de gros nuages, elle donne aux ondulations de la houle une couleur platine. À la barre, on a la sensation de chevaucher les vagues. Le bateau part en survitesse dans un grondement d'écume, glisse sur la vague quelques secondes en surf, puis la vague passe et on attend la suivante. Cela nous permettra-t-il de récupérer quelques heures, alors que Jeannique, la femme de Didier, nous attend déjà depuis vingt-quatre heures au bout du quai, en Martinique, les yeux rivés sur l'horizon, dans l'espoir d'y voir poindre notre voile blanche...
Le 28 janvier
Après une nuit de dure lutte, Romano Mio est toujours dans le coup ! Le jour se lève encore et les quarts temporellement définis de la nuit deviennent plus flous... Breakfast time ! À la rosbif ! Eggs and toasts with tea and orange marmelade! Le vent n'a pas molli et la mer non plus, d'où la consigne portugaise incontournable : lâche patatas ! L'éolienne a bien travaillé cette nuit et le voltage est remonté à 12 V ce que nous n'avions pas vu depuis fort longtemps ! Et avec l'action conjuguée du panneau solaire, on peut être rassuré. Restent environ 350 milles...
Romano Mio, dans la brise, à 8 nœuds, dévalant les montagnes d’eau dans des surfs atteignant les 12 nœuds, en cap direct sur la Martinique, à 340 milles du but. Romano Mio est vraiment un bon bateau.
Chronique de l'Université du temps perdu
Sujet du jour : comment prendre une bonne douche à bord ?
Comme nous l'avons déjà abordé, l'hygiène est très importante à bord d'un bateau. Les contraintes : d'une part la nécessité de limiter la consommation en eau lors des grandes traversées, Romano Mio n'étant pas équipé d'un dessalinisateur d'eau de mer, et d'autre part le mouvement permanent auquel est soumis l'équipage, en fonction de l'état de la mer bien sûr.
Deux techniques s'opposent et se complètent : la technique naturelle et la technique sous pression hydropneumatique.
1. La technique naturelle : consiste à utiliser ce que la généreuse nature nous offre, c'est à dire les grains tropicaux. Pourquoi tropicaux ? Parce que c'est en l'occurrence exactement là où nous sommes. Et il ne viendrait pas à l'idée du marin moyen navigant au large des Héaux de Bréhat de se mettre à poil sur le pont alors qu'il vient tout juste de prendre un troisième ris dans la grand-voile, et qu'il n'a absolument aucune envie de jeter l'ancre dans un service de pneumologie avec une pneumonie.
Description : elle est basée sur l'observation du ciel, mais aussi de la mer.
Le ciel : il faut choisir le bon grain, et ignorer les grains pâlichons inconsistants souffreteux et anémiés, ceux qui n'ont rien à dire même s'ils roulent parfois des mécaniques. Le bon grain, il faut le choisir costaud, musclé, bien charpenté et très dense. On sent qu'il y en a sous le nuage : un beau rideau de pluie bien serré et si possible, comble du raffinement, un bel arc en ciel aux couleurs bien tranchées.
La mer : une mer aplatie par les précipitations réalisant comme une brumisation quelques mètres au-dessus de la surface, sont des signes prometteurs et vous mettront en confiance quant à votre choix de grain.
La cinétique du grain : un grain tropical, ça se déplace très vite, en moyenne à la vitesse de 30 nœuds (presque 60 km/h). La question : va-t-on se le prendre ? Sommes-nous sur son trajet ? La réponse : il faut d'une part que le grain soit "au vent" par rapport au bateau, et d'autre part un peu sur notre droite. En effet, comme tout corps en déplacement à la surface du globe, il est soumis aux forces de Coriolis dues à la rotation de la terre, et est dévié sur sa droite dans l'hémisphère nord. C'est l'inverse dans l'hémisphère sud !
Les avantages de cette technique : elle n'est pas chère, ne nécessite aucun matériel sinon du savon, la température est agréable, et le débit largement suffisant.
Les inconvénients : elle n'est pas très intime car tout l'équipage est à poil sur le pont. Le débit peut également s’interrompre inopinément et brutalement laissant les douchés couverts de savon. D'où, nous ne le répéterons jamais assez, l'importance du choix du bon grain.
2. La technique sous pression hydropneumatique : nécessite l'acquisition d'un matériel de haute technologie, à savoir un pulvérisateur de jardin n'ayant jamais servi - il est absolument contre-indiqué, en accord avec la Société Française de Dermatologie, de s'asperger le corps à la bouillie bordelaise - et une pomme de douche que l'on adaptera sur le tuyau du précédent.
Récupérer de l'eau douce, qui est stockée sur le pont dans des bidons solidement arrimés sur le pont. Pour adapter la température de l'eau, remplir partiellement l'appareil avec de l'eau chaude. Compléter avec de l'eau froide, jusqu'à un volume maximal de 5 litres. Mettre l'eau sous pression en utilisant la technique Shadock : pompez ! Profiter de ce moment de douceur et volupté aquatiques.
À notre grande surprise et contrairement aux préceptes médicaux classiquement admis, nous nous sommes rendu compte que le scorbut n’agissait pas que sur les dents. Traitement : citron vert à haute dose !
À quelques 75 milles de l’arrivée, dernier quart 6-9 TU, sous la lune qui est plus qu’aux trois quarts pleine ...
C’est avec émotion que nous admirons une dernière fois pendant cette transat le soleil émerger de l’horizon et franchir la barre de nuage. Ce spectacle faisait partie de notre quotidien, image de la renaissance du jour, du temps qui coule et de la vie qui va...
Nous voici presque à la fin de notre périple maritime. Cette transat, j’en rêvais depuis très longtemps. Je me rappelle regarder des annonces d’embarquement à la marina du marin quand j’étais sur place à la Martinique en 1989 et plus récemment sur les bouquins de voile ou les sites internet.
Ce voyage est une réussite car le triptyque bateau, équipage, je devrais dire toute l’équipe, et les éléments nous a été favorable. Romano Mio est un bateau solide et raide à la toile, au comportement marin.
Que dire du bonheur que m’ont apporté ces loups de mer, Yann et Jean Michel, qui au quotidien m’ont permis de profiter de leurs compétences et de leur jovialité. Nous sommes des privilégiés à bord, le temps ne nous est pas compté, nous pouvons profiter de chaque moment pleinement et notre petit habitacle porté par les vents et les flots est un lieu de prédilection pour mieux se connaître. Le routage minutieux a permis d’éviter bon nombre de calmes qui sont parfois très éprouvants. A bord, les tours de quarts se sont enchaînés sans nuire à l’esprit d’équipe.
Une transat est un rêve pour beaucoup. Je suis heureux et fier d’avoir pu réaliser ce souhait. Ce midi, nous pourrons dire ensemble "Terre" et sauter de joie mais sans doute avec un brin de nostalgie en regardant l’océan derrière nous.
J’espère qu’Émeline, ma fille, fera de la navigation hauturière. Elle y pense déjà même si pour l’instant le dériveur prime.
Un seul regret : je ne pense pas malgré des cours intensifs m’être amélioré en contrepèteries.
Didier
Bilan de transat
Alors que cette traversée de l'Atlantique touche à sa fin et que la haute silhouette de la Martinique se découpe nettement sur l'horizon, il me faut exprimer ma grande joie d'arriver après ces trois semaines de haute mer. Comme le marathonien qui aperçoit au loin la ligne d'arrivée, l'Île qui surgit là-bas aux confins de la mer et du ciel ne signifie pas la fin d'une épreuve. La traversée fut certes très "tonique" et émaillée d'incidents que nous avons su surmonter, et d'autres que nous avons pu prévenir. Ce fut tout d'abord la joie de vivre et de partager cette expérience entre "potes" avec Jean Michel et Didier. Donc, une expérience humaine avant tout, qui ne sera pas sans lendemain et tissera des liens indéfectibles. Merci les gars ! Nous avons vécu des moments exceptionnels ! Humour, partage, convivialité, franche rigolade et solidarité... Mais aussi une expérience maritime, car passer trois semaines au grand large sans bien sûr voir la terre, mais sans non plus croiser de bateau ou de signe de présence humaine permet de se reconnecter à soi-même. Expérience intérieure donc, voyage à travers soi, dans une temporalité étirée alors que défilent les degrés de longitude, au gré des jours qui se mélangent aux nuits et des quarts qui se succèdent...
Traverser l'Atlantique, un rêve d'adolescent qui se concrétise, aboutissement d'un processus de vie et de passion pour l'aventure marine et qui a commencé tout petit... Je me souviens de mon premier "embarquement" en Caravelle à l'école de voile de Locquémeau lorsque le moniteur nous avait enjoints de rejoindre le bateau à pieds, on en avait jusqu'à la ceinture, et le choc émotionnel de découvrir cet objet flottant et de monter à bord. Clin d'œil à toute l'équipe de Locquémeau, tous les copains qui nous sommes "refilés" le virus, mais aussi "tonton" Lionel et Françoise, Claude et Nicole, et toute la bande...
Merci à mes parents qui m'ont inscrit aux stages de voile, et pardon pour les angoisses les jours de gros temps quand j'étais en mer sans moyens de communication !
Merci aux copains, copines pour toutes les virées partagées, tous ces milles parcourus, les nuits en mer, les escales mémorables et aussi parfois les galères ! Je pense à Philou, Denis, Jean-No, Vincent et Valérie et tant d'autres...
Je me dois de saluer René et Lise, pour ces moments d'anthologie que nous avons partagés, et ces croisières sur Placide. Grâce à vous, j'ai rencontré Jean-Michel, et sans vous, cela ne serait pas arrivé.
Mention spéciale à Michel, sans qui l'aventure du Romano Mio ne serait advenue, et qui a souhaité se disjoindre du projet transocéanique.
Je félicite également la Romano Team : d'abord Patrick et Jean-Pierre qui n'ont pu se libérer professionnellement pour participer à l'aventure, mais vous étiez dans nos cœurs tout au long du périple. Le reste de l'équipe : Pierre, zélé animateur du blog que nous découvrirons plus tard ; Véronique qui nous a prodigué ses conseils météo ; Soaze, responsable de la communication intercontinentale et inter-atlantique.
Une pensée particulière aux "patients" de La Chapelle, ainsi qu'à mes collègues et associés, Olivier, car chez vous tous j'ai ressenti de façon quasi unanime encouragement et soutien à l'annonce du projet. Portez-vous bien !
Merci à mes enfants Adèle, Alexis et Suzanne qui depuis tout jeunes ont usé leurs bottes et leurs cirés à bord de nombreux bateaux et pour finir Romano Mio. J'avais une enveloppe et un échantillon sonore à découvrir chaque jour, merci pour l'émotion et la franche rigolade... Et à bientôt à bord pour d'autres horizons...
Je terminerai par ma femme Nathalie, qui a toujours été depuis le début, déterminante dans l'aventure du Romano Mio. C'est grâce à ta lucidité que j'ai fait l'acquisition du bateau il y a déjà plus de dix ans. Pardon pour toutes ces vacances maritimes passées à deux ou plus souvent en famille avec les cinq enfants - bises à Fabien et Renan ! - mais quelles aventures ! Merci pour ta patience à partager la vie d'un marin ! Et surtout, puisse ce projet de break devenu réalité, qui vient trouver sa place dans nos vies et auquel tu as "ouvert la porte", contribuer à magnifier l'harmonie entre nous. Tu m'as accompagné à chaque instant dans cette traversée.
Ah ! J'oubliais ! Romano Mio est un super bateau, très marin par tous les temps, et on s'y sent en sécurité ! Mais cette transat n'est pas une fin en soi, elle doit être une étape vers d'autres projets, d'autres aventures, d'autres découvertes. Nous avons ouvert l'espace des possibles et demeurerons plus que jamais fidèles à la devise du Romano Mio : "L'aventure est derrière l'horizon".
Yann
Fin de transat
Le 30 janvier 2018. Il est 16h TU, Romano Mio vient de fendre l’arc antillais en deux, en son milieu, juste entre Sainte-Lucie et la Martinique ; il rentre hardiment en Mer des Caraïbes et remonte toutes voiles dehors en direction de Fort de France.
Voilà, c’est fait !
Le vieux rêve que j’entretenais depuis mes vingt ans vient de se concrétiser. Traverser l’Atlantique à la voile, c’était mon Graal depuis plus de quarante ans. Que de souvenirs me reviennent alors en mémoire, tous tournés vers la mer à Plestin-les-Grèves. De l’achat de mon premier bateau avec mon frère Patrick et nos premières économies (un très beau Ponant en bois, numéro 56) à celui, quelques années plus tard, avec mes premières paies, d’un 420 tout neuf, un Lanaverre équipé de voiles Cheret (le top quoi...), avec lequel j’ai participé à quantité de régates en Bretagne Nord. De cet été 1969 où fut créée l’école de voile de Saint Efflam et où l’équipe dirigeante avait bien voulu m’accepter comme aide-moniteur, aux six ou sept années qui suivirent en tant que moniteur attitré. Ce fut l’époque où j’étais moniteur de voile en semaine et régatier le week-end, défendant les couleurs du CNGR (Cercle Nautique du Grand Rocher) avec Bernard, Laurent, Yves-Marie, Titou, Jeavonne, Bruno, Marc et les autres, accompagnés parfois par notre fan-club, comme pour les 24 heures de Trégastel (une pensée particulière pour Marie Émilie qui nous a quittés récemment).
Me revient aussi en mémoire l’achat d’un Rêve d’Antilles, dans les années 80, avec mon copain René. Un plan Finot de 12 mètres en acier ; l’île du porte-plume, c’était son petit nom et nous l’avions rebaptisé Chiroubles (à l’époque, nous aimions beaucoup le beaujolais). Ce Rêve d’Antilles m’a permis de faire mes premières expériences en navigation hauturière. Il aurait pu aussi me permettre d’assouvir la soif que j’avais de très grandes traversées mais, professionnellement, je n’en avais pas la disponibilité. Il y eut ensuite la période dériveur intégral de l’Ovni 28. Ce bateau fut un excellent outil de formation. Il m’a permis de pénétrer la moindre anfractuosité de la côte bretonne et d’approfondir ainsi mes connaissances en navigation côtière.
Maintenant, je suis sur Romano Mio, entre Sainte-Lucie et la Martinique, avec Yann et Didier. Je les remercie tous les deux pour cette grande traversée sans anicroche. Yann tout d’abord, avec qui je navigue depuis fort longtemps. Nous avons ainsi vogué en Irlande, en Angleterre, en Ecosse, en Espagne, au Portugal, à Madère, aux Îles Canaries et toujours sans heurt. Merci Yann pour tous les moments passés ensemble sur Romano Mio, pour cette aventure que nous venons de vivre ensemble et dont je sais l’importance qu’elle a aussi pour toi. Didier, maintenant : nous ne nous connaissions que très peu avant l’embarquement. Il y a toujours une petite appréhension à partir pour un long périple avec une personne qui reste à découvrir, surtout dans un milieu clos comme celui d’un bateau. Ton savoir vivre en groupe m’a tout de suite rassuré. Un grand merci Didier pour ta bonne humeur permanente, pour toutes tes attentions, pour tes savoir-faire en marine à voile et pour ton excellent flan à la vanille.
Merci aussi à toute la Romano Team, restée à terre pendant cette traversée, et qui nous a permis, à différents égards, de partir sereinement : Catherine pour la préparation et la remise en état de l’intérieur de Romano Mio ; Véronique et Jean-Pierre pour toutes leurs informations météo, leur routage et leur gestion de notre problème de batteries ; Pierre pour le gros travail effectué sur le blog de Romano Mio en Transat et sur la page Facebook ; Françoise, pour le contact qu’elle a entretenu avec la capitainerie du port de la pointe du bout afin de nous assurer qu’une place nous serait bien réservée à notre arrivée dans la marina. Un regret cependant, c’est que Jean-Pierre et Patrick, qui partagent Romano Mio avec nous, n’aient pu participer à cette transat, par manque de disponibilité.
Merci enfin à vous tous qui avez suivi de près ou de loin notre aventure. Romano Mio est maintenant installé aux Antilles pour quelques années et je ne manquerai pas de venir régulièrement le faire voguer dans les eaux bleu-turquoise des Grenadines, de la Dominique, de Marie-Galante et de la Guadeloupe. Pour le moment, je rentre à Rennes, le cœur léger, avec le sentiment du devoir accompli.
Au plaisir de vous revoir,
Jean Michel
Alors que nous approchons de l’entrée du chenal du port du Marin pour une première escale "technique" et que nous lançons le moteur, celui-ci, au bout de dix minutes, baisse spontanément de régime et cale. Le diagnostic est indiscutable : panne sèche ! Nous payons ainsi l’utilisation régulière du moteur pour alimenter les batteries ! Nous décidons de repartir... vers le rocher du Diamant et d’aller mouiller aux Anses-d'Arlet. Décidément, les sources d’énergie continuent à nous jouer des tours !
Nous touchons terre, dans tous les sens du terme, aux Anses-d'Arlet !